Manque de moyens

Fleche

Violence

Témoignage du lieutenant-colonel Yaya Sow.

Le lieutenant-colonel Yaya Sow a été condamné à dix ans de prison pour sa participation à la mutinerie de février 1996

« … En apprenant la nouvelle, les unités de blindés commandées par des officiers soussous ont réagi. Ils ne voulaient pas faire un coup d’État mais seulement obtenir de meilleurs soldes. »

Les évènements des 2 et 3 février 1996 sont en réalité le produit d’une manifestation de mécontentement au sein de l’armée, organisée surtout par des éléments recrutés en 1990, au rang desquels figurent d’ailleurs des hommes comme Moussa Dadis Camara, Ibrahima Baldé ou Idi Amin. Le 2 février, des soldats mécontents ont défoncé les portes des magasins d’armes et sont allés en ville pour manifester. Ils ont commencé à piller des boutiques pour voler des choses comme des climatiseurs, de l’alcool et même des voitures. Au départ c’était un signal de mécontentement envoyé aux autorités qui venaient d’annoncer une augmentation des salaires des policiers. À un moment, le commandant Cissoko Kerfala, accompagné du commandant Kader Dombouya, sont venus vers moi à l’artillerie pour m’ informer que la Garde présidentielle aurait tué des soldats manifestants. Quand je suis allé en ville, après avoir mis l’artillerie en alerte, j’ai trouvé que ces rumeurs étaient fausses. Je me suis calmé et je suis revenu au camp. En soirée, des artilleurs ont commencé à tirer des obus en direction du palais présidentiel et sur le quartier Coronthie. Lansana Conté a commencé à avoir peur. La nuit, Wanwaran de l’artillerie a tiré sur le Palais des Nations sous les menaces de certains officiers, selon lui.

Au petit matin, deux  hommes, dont un lieutenant de l’artillerie, sont allés chercher Lansana Conté au palais pour l’amener au camp Alpha Yaya. Il était prisonnier. Mais, en apprenant la nouvelle, les unités de blindés commandées par des officiers soussous ont réagi. Ils ne voulaient pas faire un coup d’État mais seulement obtenir de meilleurs soldes. Pendant ce temps, des officiers, pour la plupart de l’aviation militaire, ont constitué un Comité de salut national dans lequel mon nom ne figurait pas. Ils voulaient vraiment prendre le pouvoir. Mais les officiers soussous sont resté loyalistes à Lansana Conté et l’ont remis en place. Curieusement, à aucun moment des soldats n’ont ouvert le feu sur d’autres. Il semblerait que Conté avait donné l’ordre à sa garde de ne pas tirer sur les manifestants. Il y eut même une sorte de fraternisation, de complicité, entre les manifestants et la Garde présidentielle.

Je dirais qu’environ 90 personnes ont été interpellées suite à ces évènements. Mais trente-cinq seulement ont été condamnées. Les autres ont été libérées ou se sont enfuies. Moi, comme je commandais l’artillerie du camp Alpha Yaya, on a prétendu que c’est sous mes ordres que l’artillerie a bombardé le palais présidentiel.

Mais en fait, ce sont des chars qui ont tiré sur Coronthie, mais pas mon artillerie. Un artilleur, un certain Makan, a affirmé ensuite que l’artillerie avait bel et bien tiré, mais c’est faux. Conté avait affirmé que ce sont les blindés qui ont tiré à Coronthie mais par la suite, il s’est dédié pour ne pas embarrasser les chefs des blindés qui lui sont restés loyaux. J’ai été condamné pour tentative de coup d’État et destruction d’édifices publics. J’ai été mis aux arrêts avec d’autres officiers.